Le chant du coq divise le village de Fitou (Aude)


Quand on a été berger toute sa vie, il est bien difficile de vivre sans animaux et, encore plus, de s'en séparer.
Un cruel dilemne qui vient de conduire André Garcia, le dernier berger de Fitou, aujourd'hui à la retraite, devant les tribunaux.
Quelques voisins ne goûtant pas la même passion que lui pour la basse cour. L'homme affiche d'ailleurs clairement la couleur, dès la porte d'entrée
de sa modeste maison, avec un splendide gallinacé en poster.
Au premier étage, "Napoléon" est lui comme un coq en pâte, occupant une des chambres du logis avec quelques poules comme bonne compagnie.
Seulement voilà, comme tous ses congénères, il pousse un retentissant cocorico au point du jour.
Un chant jugé par trop matinal, surtout l'été, quand c'est à l'aube que "Napoléon" remplit l'ancestrale mission de réveiller ses ouailles.
Pour André, ce n'est évidemment pas un problème.
Quand on a été berger toute sa vie, on est plutôt du genre à se coucher avec les poules.
Ses voisins de la rue de l'Eglise ne partagent pas tous cet entrain matinal.
Comble de malchance, la maison d'André est mitoyenne avec une autre. Dans le passé, les deux habitations ne faisaient qu'une, une fine cloison les
sépare, rendant les cocoricos de "Napoléon" particulièrement « intenables ».
André en a acquis une partie, la seconde est restée longtemps vacante, occupée seulement pour les vacances et les week-ends.
De réveils matinaux en nuits hâchées, les nouveaux voisins sont devenus « mauvais coucheurs ». Il a suffit d'un chant de trop et la rue de l'Eglise a
basculé dans la polémique.
Après une première mise en garde, par l'intermédiaire du maire en personne, André n'a pas cédé.
Il faut dire que l'homme n'est pas du genre commode, surtout si on s'en prend à ses bêtes.
Cinq familles ont décidé de porter plainte.
La conciliation n'ayant rien donné, André s'est retrouvé une première fois au tribunal en 1991, puis une seconde fois cette année. A chaque fois,
même verdict, il doitfaire disparaître son coq et payer une amende.
Le 14 mai dernier, il a été condamné à verser 600 €.
Une somme plus que rondelette pour sa retraite de berger.
André a pu obtenir de verser 50 € par mois et a déjà fait trois versements. « Si je ne paie pas, je vais devoir hypothéquer la maison »,
s'enroue-t-il. Mais comme dit André, le regard un brin féroce, « je ne veux pas m'en séparer de mon coq, même qu'on me tue ».
Alors André a repris son baton, celui de pélerin cette fois-ci, pour défendre son coq. Il est parti faire le tour du village, sa pétition pour le salut de
"Napoléon" sous le bras.
Une cinquantaine de Fitounais ont signé, et même de nombreux voisins de la rue.
Elle n'a malheureusement pas ému le tribunal.
Une de ses voisines, installée depuis seulement deux ans, confie « le chant du coq me dérange moins que les chiens qui hurlent à la mort ».
Tout le monde s'accorde à trouver André un peu rustre et pas toujours facile, mais dans l'ensemble on l'aime bien.
Si le berger n'est certes pas bavard avec son voisinage, il n'en est pas moins généreux. « C'est souvent qu'il nous glisse un ouf pour la petite »,
relève une habitante de la rue. Pour un de ses voisins d'en face, « qui ne veut pas de polémique », André est « un homme original qui ne
dérange personne
». Le berger résume lui-même assez bien la situation : « Je suis tranquille moi, mais qu'on veuille du mal à mon coq, ça
m'énerve
».
Il suffit de regarder le regard d'André s'illuminer quand, fier comme un coq, il présente son "Napoléon" pour comprendre qu'entre l'homme et
l'animal, c'est devenu plus une question de survie que de compagnie.









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